Page:Gide - Philoctète, 1899.djvu/76

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rives, troncs d’arbres, fragments de ciel bleu reflété, toute une fuite de rapides images qui n’attendaient que lui pour être, et qui sous son regard se colorent. Puis des collines s’ouvrent et des forêts s’échelonnent au long des pentes des vallées, — visions qui selon le cours des eaux ondulent, et que les flots diversifient. Narcisse regarde émerveillé ; — mais ne comprend pas bien, car l’une et l’autre se balancent, si son âme guide le flot, ou si c’est le flot qui la guide.

Où Narcisse regarde, c’est le présent. Du plus lointain futur, les choses, virtuelles encore, se pressent vers l’être ; Narcisse les voit, puis elles passent ; elles s’écoulent dans le passé. Narcisse trouve bientôt que c’est toujours la même chose. Il interroge ; puis médite. Toujours des mêmes formes passent ; l’élan du flot, seul les différencie. — Pourquoi plusieurs ? ou bien pourquoi les mêmes ? — C’est donc qu’elles sont imparfaites, puisqu’elles recommencent