Page:Gide - Philoctète, 1899.djvu/81

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va ! Car c’est un esclavage enfin, si l’on n’ose risquer un seul geste, sans perturber toute l’harmonie. — Et puis, tant pis ! cette harmonie m’agace, et son accord toujours parfait. Un geste ! un petit geste, pour savoir, — une dissonance, que diable ! — Eh ! va donc ! un peu d’imprévu.

Ah ! saisir ! saisir un rameau d’Ygdrasil entre ses doigts infatués, et qu’il le brise…

C’est fait.

…… Une imperceptible fissure d’abord, un cri, mais qui germe, s’étend, s’exaspère, strident siffle et bientôt gémit comme une tempête. L’arbre Ygdrasil flétri chancelle et craque ; ses feuilles où jouaient les brises, frissonnantes et recroquevillées, se révulsent dans la bourrasque qui se lève et les emporte au loin, — vers l’inconnu d’un ciel nocturne et vers de hasardeux parages, où fuit l’éparpillement aussi des