Page:Gide - Philoctète, 1899.djvu/80

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flant dans les feuilles de l’arbre, en épelait, le long du jour, les hiéroglyphes nécessaires.

Adam, religieux, écoutait. Unique, encore insexué, il demeurait assis à l’ombre du grand arbre. L’homme ! Hypostase de l’Élohim, suppôt de la Divinité ! pour lui, par lui, les formes apparaissent. Immobile et central parmi toute cette féerie, il la regarde qui se déroule.

Mais, spectateur obligé, toujours, d’un spectacle où il n’a pas de rôle, que celui de regarder toujours, il se lasse. — Tout se joue pour lui, il le sait, — mais lui-même… — mais lui-même ne se voit pas. Et que lui fait tout le reste ? ah ! se voir ! — Certes il est puissant, puisqu’il crée et que ce monde entier se suspend après son regard, — mais connaît-il cette puissance, tant qu’elle reste inaffirmée ? Que lui sert-elle, cette puissance, tant qu’il ne se prouvera pas ? — Vraiment, à force de regarder, il ne se distingue plus bien de ces choses : c’est insupportable, — ne pas savoir où l’on