Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/140

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Sans doute, il n’est peut-être pas une seule terre dont l’agriculteur ne pût, à la rigueur, accroître le rendement : seulement, passé un certain stage de l’industrie agricole, il ne peut le faire qu’aux prix d’un travail qui va croissant, en sorte qu’il arrive un moment où l’effort à exercer pour forcer le rendement serait hors de proportion avec le résultat.

Soit un hectare de terre qui produit 15 hectolitres de blé, ce qui est à peu près la moyenne de la France. Supposons que ces 15 hect. de blé représentent 100 journées de travail ou, si l’on préfère s’exprimer de la sorte, représentent 300 francs de frais ; la proposition revient à dire que pour faire produire à cette terre deux fois plus de blé, soit 30 hect., il faudra dépenser plus de 200 journées de travail ou plus de 600 francs de frais. Pour doubler le produit, il faudra peut-être tripler, peut-être quadrupler, peut-être même décupler le travail et les frais. C’est là ce qu’on appelle la loi du rendement non proportionnel (non proportionnel au travail).

Elle est certainement confirmée par la pratique de tous les jours. Interrogez un agriculteur intelligent et demandez-lui

    substances alimentaires, tout comme un industriel fabrique les produits chimiques ? — Nous savons en effet que tous les tissus des êtres vivants, animaux ou végétaux, sont formés presque exclusivement d’oxygène, d’hydrogène, d’azote, de carbone, et, pour une très petite part, de quelques sels minéraux, tous éléments qui peuvent être considérés comme existant en quantité surabondante dans l’écorce terrestre et dans l’atmosphère. Le problème ne paraît donc pas insoluble théoriquement. Certes si un chimiste doit le résoudre un jour, il aura réalisé beaucoup plus que le Grand Œuvre rêvé par les alchimistes ; au fond de son creuset il aura trouvé mieux que la solution d’un problème de chimie ou même du problème de la vie il aura trouvé la solution de la question sociale, ou du moins il aura changé de fond en comble toutes les lois de l’économie politique. Si jamais les aliments peuvent être manufacturés de toutes pièces dans des fabriques, alors l’agriculture deviendra inutile, et l’homme ne demandant plus à la terre que ce qu’il lui faut de place pour y poser son pied ou y bâtir son toit, il n’y aura pas un hectare de terre qui ne puisse nourrir une population aussi dense que celle qui s’entasse dans les quartiers les plus populeux de nos grandes villes.
    Mais ce jour viendra-t-il jamais ? Les chimistes s’en flattent, malgré le vieil adage : omne vivum ex vivo. Et de fait, s’ils n’ont pas encore fait de l’albumine, ils ont déjà réussi à faire de la margarine !