naturel des choses, après avoir envahi peu à peu comme une puissance conquérante tous les domaines des connaissances humaines, pénétrerait dans le domaine des faits sociaux. C’est à Montesquieu et aux Physiocrates, comme nous le verrons, que revient l’honneur d’avoir reconnu et proclamé les premiers l’existence de ce « gouvernement naturel » des choses.
Mais si les faits s’enchaînent dans un ordre constant, comme une procession bien réglée dans laquelle chacun garde son rang et observe ses distances, s’il y a, pour employer une locution populaire, « une marche des événements », il doit toujours être possible, un fait étant donné, de prévoir celui qui doit lui succéder ou qui doit l’accompagner. La prévision, voilà en effet le critérium d’une véritable science.
Dans certaines sciences, en raison de leur simplicité, cette prévision s’exerce avec une telle ampleur qu’elle fait la stupéfaction du vulgaire et prend les apparences de véritables prophéties : c’est le cas de l’astronomie. Dans les sciences physiques et naturelles, la prévision ne pénètre que bien rarement l’avenir, mais elle permet cependant au chimiste qui combine deux substances dans un creuset, de dire quel est le corps qui sortira de cette combinaison et quelles en seront les propriétés ; au géologue, d’annoncer les diverses couches de terrain que l’on rencontrera en perçant un tunnel ou en creusant un puits de mine. Le naturaliste qui aperçoit pour la première fois un animal inconnu, sans même avoir besoin de le disséquer, sait d’avance par certains signes extérieurs, quels organes son scalpel rencontrera et dans quel ordre ils se présenteront à lui. — L’économiste est-il en mesure de faire valoir, à l’appui de ses prétentions scientifiques, une semblable faculté de prévision ?
Il est permis d’hésiter, car les faits qui rentrent sous la discipline de l’économie politique ne sont-ils pas des faits de l’homme, par conséquent des faits volontaires et libres et qui, comme tels, peuvent bien faire l’objet de certaines conjectures, mais non d’une prévision vraiment scientifique ?
Il semble donc qu’il y ait contradiction ici entre l’idée de loi