Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un costume d’arlequin, peut jouer le rôle de capital lucratif par le moyen de la location ou du commerce : il n’y a, contraire, que certaines richesses qui, à raison de leur nature, puissent jouer le rôle de capitaux productifs, et ce sont, dans le sens le plus large de ces mots, les instruments et matières premières. Ce sont même, à vrai dire, les seules dont il y ait lieu de s’occuper dans le chapitre de la production ; les autres n’ont leur vraie place qu’au chapitre de la répartition[1].

    pression ne nous paraît pas heureuse, car, au contraire, les capitaux lucratifs ne peuvent se concevoir que dans la vie de société, tandis que les capitaux productifs existent même pour Robinson.

  1. Voici quelques catégories de richesses qui ont donné lieu à de nombreuses controverses.
    Dans le langage courant on désigne sous le nom de « capitaux » par opposition à la propriété immobilière, toutes les valeurs immobilières, représentées par des titres de rente, actions ou obligations de compagnies industrielles, créances hypothécaires ou chirographaires, etc. Il est à remarquer que de semblables biens ne sont que des capitaux « lucratifs » puisqu’ils ne sont que des titres de créance. Sans doute, ils produisent des revenus à leurs possesseurs, mais le revenu que touche le créancier est pris dans la poche du débiteur, en sorte que le pays n’en est pas plus riche à moins qu’il ne s’agisse de titres sur l’étranger, auquel cas évidemment, le pays se place, pour apprécier ces biens, au même point de vue qu’un simple particulier.
    À l’inverse, dans le langage courant, jamais on ne donne à la propriété immobilière, terres ou maisons, le nom de capital. Cependant, il y a des cas dans lesquels ce qualificatif leur convient parfaitement. Pour la terre, par exemple, il ne faut certainement pas lui donner le nom de capital en tant qu’il s’agit de la terre vierge, du fonds primitif fourni par la nature, car ce serait alors confondre la nature et le capital, mais du jour où ce sol a été modifié par le travail de l’homme et nous apparaît sous la forme de terre cultivée, défrichée, clôturée, complantée, arrosée, etc., elle rentre parfaitement dans la définition du capital productif, puisqu’elle constitue un produit de la nature et du travail et sert incontestablement à la production de richesses nouvelles. Quant aux maisons, elles ne sont en principe que des objets de consommation, puisque, comme les vivres ou les vêtements, elles sont des produits définitifs, n’ayant d’autre fin que de satisfaire aux besoins des hommes. Mais elles peuvent devenir des capitaux lucratifs pour leur propriétaire, s’il les loue au lieu de les habiter, et elles sont même des capitaux productifs, si elles ne servent pas à l’habitation mais à la production, comme bâtiments d’exploitation (usines, fermes, magasins).
    Quant aux capacités acquises, aux connaissances professionnelles, à l’instruction en général, on dit souvent dans le langage courant que ce sont des capitaux. Il faut prendre garde pourtant de ne pas ranger sous le nom de capital les facultés personnelles qui ne sont autre chose qu’une des