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sons un canal, que d’ici à un siècle ou deux le trafic ne prendra pas quelque autre route. Or, si le jour où cette révolution se produira, le capital engagé dans le tunnel n’a pas été encore amorti, il en résultera qu’une grande quantité du travail aura été inutilement dépensé. Il est donc prudent, étant donnée notre incertitude de l’avenir, de ne pas bâtir pour l’éternité et, à ce point de vue, l’emploi de capitaux trop durables peut constituer une dangereuse opération.


V

COMMENT SE FORME LE CAPITAL.

Tout capital étant un produit « un produit intermédiaire », comme dit M. de Bœhm-Bawerk, ne peut être formé comme tout produit, que par les deux facteurs originaires de toute production : le travail et la nature. Il suffit de passer en revue tous les capitaux que l’on peut imaginer, outils, machines, travaux d’art, matériaux de toute catégorie, pour s’assurer qu’ils n’ont pu avoir d’autre origine que celle que je viens d’indiquer[1].

Il n’y aurait pas lieu de s’arrêter sur un point aussi évident, si l’on avait voulu voir à l’œuvre, dans la formation du capital, un agent nouveau et d’une nature spéciale qu’on appelle l’épargne : toute fortune vient de l’épargne, dit-on. Qu’est-ce que ce nouveau personnage qui apparaît sur la scène ? — Est-ce un troisième facteur originaire de la production que nous aurions oublié ? Non : on n’en saurait point imaginer d’autres que le travail et les forces naturelles[2]. —

  1. L’expression de Karl Marx que le capital est « du travail cristallisé », serait juste, s’il n’omettait de parti pris la part de la nature dans la formation du capital, fidèle à son principe que toute valeur est due uniquement au travail.
  2. C’est pourtant ce qu’affirme en propres termes Senior et bien d’autres avec lui. Il reconnaît expressément, trois agents de la production : le travail, les agents naturels, l’abstinence.