liards, d’autre part une rémunération qui se fera attendre un demi-siècle. Or, pour établir une semblable balance, il faut être doué à un haut degré de prévoyance et de hardiesse et avoir une foi inébranlable dans l’avenir, toutes conditions qui ne se trouvent réunies que dans les milieux très civilisés. C’est pour cette raison que les peuples dont l’état social est peu avancé et dont la constitution politique offre peu de sécurité, n’emploient guère de capitaux fixes. Toutes leurs richesses affectent la forme d’objets de consommation ou de capitaux circulants[1].
Si grande que soit d’ailleurs cette faculté de prévoyance, même dans le milieu le plus propice, elle ne dépassera pas certaines limites. Jamais un particulier, ni une compagnie, ni même un État, ne consentiront à avancer des capitaux qui ne pourraient être amortis, par exemple, qu’au bout de deux siècles, quand bien même il serait prouvé que ce capital est de nature à durer 1.000 ans et serait susceptible par conséquent de rendre pendant 800 ans encore des services gratuits. Pourquoi ? Parce que des résultats qui ne doivent se produire qu’au bout d’un si long temps n’entrent pas dans les prévisions humaines. On peut poser en fait que tout emploi de capital qui ne donne pas l’espoir de le reconstituer dans le cours d’une génération sera écarté dans la pratique.
3° Enfin il faut remarquer encore au désavantage des capitaux fixes, que si leur durée est trop longue, ils risquent de devenir inutiles, et à ce point de vue il faut une grande prudence dans les prévisions que nous indiquions tout à l’heure. En effet la durée matérielle du capital n’est pas tout, c’est la durée de son utilité qui seule nous intéresse ; or, si on peut compter jusqu’à un certain point sur la première, on ne le peut jamais absolument sur la seconde. L’utilité, nous le savons, est instable, et au bout d’un certain temps, celle que nous croyons la mieux établie peut s’évanouir. Rien ne nous garantit, quand nous perçons un tunnel ou que nous creu-
- ↑ Comparez, par exemple, les principautés de l’Inde ou les pays musulmans avec nos sociétés d’Europe.