Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et non les personnes est une marque d’infériorité. Les associés qui s’appellent des actionnaires ne se connaissent pas entre eux et souvent même ne connaissent de l’entreprise, à laquelle ils sont soi-disant associés, que le nom qui figure sur les titres qu’ils ont en portefeuille[1]. La société par actions se trouve divisée en deux groupes de personnes : — les uns qui se partagent les produits d’une entreprise dans laquelle ils ne travaillent point ; — les autres qui travaillent dans une entreprise dont ils ne recueillent point les fruits[2]. C’est là une situation peu conforme à la loi morale et qui, même au point de vue économique, paraît dans des conditions d’équilibre singulièrement instables (Voy. Liv. III de la Répartition).


III

LA GRANDE PRODUCTION.

L’organisation de la production sous la forme patronale, et plus encore sous la forme d’association de capitaux, est à la fois la manifestation et la condition d’une des évolutions les plus caractéristiques de notre époque, le passage de la petite production à la grande production[3].

Si cette évolution s’accomplit, ce n’est pas en vertu d’une sorte de fatalité, c’est parce qu’elle présente, au point de vue de la production, des avantages incontestables. Mais lesquels ?

D’abord, elle seule peut permettre certaines entreprises qui

  1. Bon nombre de capitalistes qui se disputent aujourd’hui les actions des mines d’or de Robinson, de Simmer and Jack, de Bonanza, seraient bien en peine de désigner seulement sur la carte où elles sont situées. Et le lien d’association qui les unit aux ouvriers cafres tout nus qui extraient l’or de ces mines est assurément d’une nature assez factice !
  2. C’est l’antithèse que Zola a dramatisé dans son roman de Germinal.
  3. La Compagnie des mines d’Anzin, les forges du Creuzot, emploient chacune de 10 à 15.000 ouvriers : l’usine Krupp, à Essen en Prusse, près de 30.000. Telle grande compagnie de chemin de fer, comme celle de Paris-Lyon-Mediterranée, compte 60.000 employés.