Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çon contre les erreurs du système mercantile, était lui-même entaché d’une erreur ou du moins d’une exagération qui a porté un coup mortel à cette école.

Le second, au contraire, devait servir de fondement pendant près d’un siècle à tout l’édifice de la science économique. Des faits quelconques ne peuvent servir de base à une science qu’autant qu’on a reconnu entre eux des rapports de cause à effet, « un ordre essentiel et naturel »[1].

L’apparition du livre de l’Écossais Adam Smith : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des Nations, en 1776, a exercé une telle influence sur les esprits qu’il a valu à son auteur le titre, peut-être un peu exagéré, de père de l’Économie politique.

Il est vrai que très supérieur aux écrits des physiocrates au point de vue de l’observation des faits et des enseignements à tirer de l’histoire, embrassant à peu près tout le champ de la science économique et qui n’a guère été élargi depuis lors, ce livre marque une ère décisive dans l’histoire de l’économie politique et va assurer à l’école anglaise une prééminence incontestée pendant près d’un siècle. Adam Smith rejette le premier principe des physiocrates, en rendant à l’industrie sa place légitime dans la production des richesses, mais il confirme le second, c’est-à-dire la croyance à des lois économiques naturelles et au laisser faire, du moins comme règle de conduite pratique.

Peu de temps après Adam Smith, et simultanément, apparaissent trois économistes dont les théories vont régenter les esprits durant un demi-siècle : deux en Angleterre : — Malthus, auteur d’une théorie célèbre sur l’accroissement de la population (1803) qui, bien que spéciale, devait avoir un retentissement considérable dans toute la science économi-

  1. L’un des disciples les plus illustres de cette école, Turgot, ne se contenta pas d’exposer ces principes dans des écrits remarquables, mais encore il les appliqua, d’abord comme intendant de Limoges, puis comme ministre de Louis XVI, en abolissant les réglementations de l’ancien régime, douanes intérieures, droits sur les grains, et surtout les règlements des corporations.