Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vement d’échanges régulier pût prendre naissance. C’est entre des peuples éloignés et de régions différentes que l’échange a d’abord pris naissance parce que c’est là que la diversité des produits et des mœurs est imposée par la nature. Le commerce a été international avant d’être intérieur. Il a été maritime avant d’être terrestre. Comme Aphrodite, les premiers marchands sont sortis de la mer.

Il en est résulté que les premiers marchands ont dû être des voyageurs, des aventuriers, ainsi que l’indiquent bien clairement les histoires de Marco-Polo ou celles de Sindbad le Marin dans les Mille et une Nuits.

Il en est résulté aussi que le commerce se faisant d’étranger à étranger, c’est-à-dire (car les deux mots étaient synonymes pour les anciens) d’ennemi à ennemi, a partout débuté par la fraude, la ruse et souvent la violence, et que Mercure a pu être en même temps, sans que la conscience publique songeât à s’en étonner, le dieu des marchands et celui des voleurs.

Il en est résulté enfin que dès le début les marchands ont été de grands personnages, enviés et redoutés, bien au-dessus des artisans et des agriculteurs, constituant une véritable aristocratie. Ce n’est qu’à une époque relativement récente que le petit commerce de détail a apparu[1].

On peut signaler deux phases dans cette histoire :

1° La première est celle du marchand ambulant. Tous les pays où le commerce est encore peu développé en sont encore à cette phase-là : le commerce s’y fait par caravanes. On la retrouve dans nos villages sous la figure du colporteur et même sous celle de ces marchands à la criée qui font retentir les rues de Paris de leurs mélopées variées.

Mais ce système du marchand voyageant avec sa marchandise ne peut s’appliquer qu’à des produits d’un transport facile, et surtout est très onéreux, parce qu’il grève chaque article de frais généraux énormes. Les profits des marchands

  1. Voyez sur cette histoire des marchands les articles déjà cités (p. 199) de M. Schmoller sur la Division du travail.