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CHAPITRE IV

LA MONNAIE MÉTALLIQUE

I

HISTORIQUE DE LA MONNAIE.

Ce n’est pas en vertu d’une convention expresse que certains objets ont pu devenir le medium des échanges, mais par suite de certains avantages qui les imposaient au choix des hommes et les prédestinaient à cette haute fonction.

Les difficultés du troc (voy. ci-dessus p. 222) ont forcé les hommes à choisir une marchandise tierce destinée à figurer dans chaque échange. Ils ont choisi naturellement celle qui leur était la plus familière et de l’usage le plus général, probablement pour les hommes primitifs des silex taillés.

Dans les sociétés patriarcales, c’est naturellement le bétail, bœuf ou mouton, qui parait avoir joué ce rôle de marchandise tierce, et la plupart des langues indo-européennes, même la langue basque, nous ont transmis le souvenir de cette forme primitive de la monnaie dans le nom même qu’elles lui donnent[1].

Nombre d’autres marchandises ont aussi, suivant les cas et suivant les pays, joué le rôle de marchandise tierce riz au Japon, briques de thé dans l’Asie centrale, fourrures sur le territoire de la baie d’Hudson, cotonnades dites guinées ou barres

  1. C’est ainsi, pour ne citer que la plus connue, que le mot latin pecunia désignait, à l’origine, le bétail, le troupeau. Et même dans Homère on voit que les valeurs, celles des armures de Diogène et de Glaucus, par exemple sont évaluées en « bœufs ». De là l’expression, qui a paru si risible, de Leconte de Lisle dans sa traduction d’Eschyle, pour acheter le silence de quelqu’un : « mettre un bœuf sur sa langue » !