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ou de la Garonne dont les grands affluents prennent tous leur source dans la même région, sont désastreuses. À ce point de vue, il est préférable que notre réservoir métallique soit alimenté par deux affluents d’origines différentes, par l’or et l’argent plutôt que par un seul, et s’il y en avait trois ou quatre, ce serait encore mieux, en sorte que théoriquement le poly-métallisme vaudrait encore mieux que le bi-métallisme[1] ! En fait, s’il n’y avait eu que le métal or, la découverte des mines d’or de Californie et d’Australie aurait causé la plus profonde perturbation par une hausse démesurée des prix. Leur épuisement en causerait une autre encore plus redoutable. Il importe assez peu que dans le monde les prix soient hauts ou bas, mais ce qui importe beaucoup c’est qu’on ne voit pas brusquement les bas prix succéder à de hauts prix, et vice versa.

Et il est à désirer aussi que la valeur du numéraire tende d’une façon générale à la baisse plutôt qu’à la hausse, car cette baisse continue et progressive dans la puissance de l’argent agit dans un sens égalitaire, aiguillonne les rentiers, soulage les débiteurs et tend à diminuer la supériorité des possesseurs d’argent sur ceux qui n’en ont pas. Mais, avec un seul métal, l’or, il pourrait arriver que la valeur du numéraire tendit au contraire vers la hausse[2].

On comprend donc fort bien que les pays bi-métallistes hésitent à adopter le mono-métallisme : si faible que soit le fil qui les rattache encore au bi-métallisme, il peut leur en coûter cher de le couper.

Mais on comprend mieux encore que les pays mono-métallistes ne se soucient pas de renoncer à la situation privilégiée que leur confère l’étalon d’or — et que même les pays à bimétallisme restreint, comme la France, l’Union Latine, et

  1. Au reste la nature ne nous a pas refusé ces métaux précieux. Il y en a de beaucoup plus rares et plus précieux que l’or, depuis le palladium qui vaut 5.000 francs le kil. jusqu’au vanadium qui vaut 123.000 francs le kil. ! Peut-être un jour les emploiera-t-on avec ou à la place de l’or.
  2. Voy. le chapitre : Si le numéraire est destiné à baisser indéfiniment de valeur, p. 99.