Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/280

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métallique habituellement en circulation). Malheureusement la tentation est grande, pour un gouvernement obéré, de franchir ce cercle fatal : beaucoup l’ont fait et ceux-là ont fini par la banqueroute[1].

Toutefois on peut dire que, dans l’état actuel de la science économique, un gouvernement qui franchit la limite est vraiment inexcusable. Il y a en effet des signes certains, familiers à l’économiste et au financier, qui permettent de reconnaître le danger, même à distance, et qui donnent des indications plus sûres que celles que le plomb de sonde ou les amers peuvent donner au pilote.

1° Le premier, c’est la prime de l’or. Du jour où le papier-monnaie a été émis en quantité exagérée relativement aux besoins, il commence à se déprécier suivant la loi constante des valeurs, et le premier effet de cette dépréciation, le premier signe qui la revête, alors qu’elle n’apparaît point encore aux yeux du public, c’est que la monnaie métallique fait prime. La monnaie métallique n’est point englobée, en effet, dans cette dépréciation commençante de l’instrument monétaire pourquoi le serait-elle, puisque l’or et l’argent ont conservé partout leur ancienne valeur ? Les banquiers et les changeurs commencent à la rechercher pour l’envoyer à l’étranger sous forme de lingots et ils paient une petite prime pour se la procurer. Voici alors pour les financiers le moment d’ouvrir l’œil !

2° Le second c’est la hausse du change. Les créances payables sur l’étranger, c’est-à-dire les lettres de change, donnent lieu, dans toutes les places commerciales du monde, à un

  1. Tout le monde connaît la lamentable histoire des assignats qui furent émis par la Convention et le Directoire jusqu’au chiffre extravagant de 43 milliards, c’est-à-dire vingt fois plus probablement que la quantité de numéraire existant à cette époque. Alors même que cette émission se serait faite en bonnes pièces d’or et d’argent, elle n’en aurait pas moins entraîné une dépréciation considérable de la monnaie métallique, puisque celle-ci se serait trouvée vingt fois supérieure aux besoins. On peut penser dès lors quelle dut être la dépréciation d’une simple monnaie de papier. L’assignat de 100 fr. finit par tomber en février 1796 à 7 sous et on vit une paire de bottes se vendre 4.000 fr.