Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/285

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Il est vrai que notre exemple suppose deux pays réciproquement créanciers et débiteurs l’un de l’autre pour une somme précisément égale, hypothèse peu vraisemblable. Mais si elle ne se réalise pas directement, on arrivera tout de même au même résultat par un détour. Admettons que la France ait acheté 10 millions de thé à la Chine et ne lui ait rien vendu[1]. La compensation semble dès lors impossible, et ne faudra-t-il pas, en ce cas, que la France envoie ces 10 millions en espèces à la Chine ? Ce n’est peut-être pas nécessaire. Si nous Français, n’avons rien vendu à la Chine, il y a bien d’autres pays de par le monde qui lui ont vendu et qui sont, en conséquence, ses créanciers. Nous n’avons qu’à nous tourner vers ceux-ci et à nous faire céder leurs créances : devenus par là créanciers nous-mêmes de la Chine, rien ne nous sera plus facile que d’opérer avec elle la compensation. Par exemple, il est possible que l’Angleterre ait vendu à la Chine 10 millions d’opium ; en ce cas la France n’aura qu’à se faire céder cette créance (en style technique, elle n’a qu’à acheter à Londres du papier payable sur Shanghai ou Hong-Kong). Mais, dira-t-on, de toutes façons il restera à la France 10 millions à payer que ce soit à L’Angleterre ou à la Chine, il n’importe guère ? Cela importe beaucoup, au contraire, car il suffit que la France se trouve elle-même créancière pour 10 millions de l’Angleterre (par exemple, à raison de vins qu’elle lui aura vendus) pour que les échanges entre les trois pays se trouvent ainsi réglés sans bourse délier.

Sans ces ingénieuses combinaisons, le commerce international serait vraiment impossible, car s’il fallait que la France soldât en numéraire chaque année quatre ou cinq milliards d’importations, où prendrait-elle cette énorme quantité de monnaie ? Elle n’en possède guère davantage. En fait, le numéraire qui voyage de pays à pays ne représente jamais qu’une petite fraction, 8 à 10 % tout au plus, de la

  1. Par le fait, la France achetait, ces dernières années, pour 150 millions de marchandises à la Chine et ne lui en vendait que pour quelques millions.