Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/325

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coups de canon : ils ne sont pas moins onéreux, mais ils peuvent être non moins nécessaires à l’existence d’un peuple qui réclame sa place au soleil. Je ne sais quel économiste américain faisait le compte qu’une certaine filature avait coûté plus cher à son pays qu’un croiseur cuirassé : ― qu’importe, si cette filature a fait autant et plus que le croiseur pour servir au dehors les intérêts du pays ?

2° Que si la protection peut être employée avec efficacité pour protéger telle ou telle industrie déterminée ― parce qu’elle détourne en ce cas vers cette branche de la production le travail et le capital ― elle devient une duperie quand elle prétend protéger toutes les industries à la fois, car, puisque la protection implique toujours une charge, il est vraiment absurde de charger tout le monde au profit de tout le monde. Malheureusement, si, illogique que soit ce programme, c’est celui auquel on finit par aboutir pour ne pas faire de jaloux.

3° Enfin et surtout que puisque la protection constitue une charge, qu’elle est un mal, nous ne devons pas nous résigner à y voir un état définitif. Il ne faut l’accepter qu’avec la pensée de préparer son abolition graduelle[1]. C’est au libre-échange qu’il faut regarder comme à l’état désirable et dont nous devons chercher à nous rapprocher. En attendant, les traités de commerce, par les freins qu’ils imposent aux prétentions excessives, par la réciprocité d’intérêts qu’ils établissent, par la solidarité qu’ils finissent par créer entre les nations contractantes, paraissent la politique la plus sage qu’on puisse pratiquer[2].

  1. M. Walras, dans l’article précité (p. 291), tout en admettant la supériorité théorique du régime du libre-échange, subordonne aussi sa réalisation à l’avènement de la paix universelle. Mais il la subordonne aussi à deux autres conditions qui nous paraissent plus contestables : 1° l’abolition des impôts indirects ; 2° la nationalisation du sol. Sur ce dernier point il nous semble au contraire que le libre-échange, en supprimant ou en limitant la rente du propriétaire foncier, serait le plus efficace correctif aux privilèges de la propriété foncière et rendrait superflue la nationalisation du sol (Voy. au liv. III, La nationalisation du sol).
  2. On a beaucoup discuté dans ces derniers temps sur les avantages et les inconvénients des traités de commerce. Les traités de commerce offrent l’avantage :
    1° D’assurer la fixité des tarifs pendant une période de temps connue,