Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/334

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équivalente que vous tirerez de la vente de votre drap. Ici encore, quoiqu’il ne soit plus question de vente, il est clair qu’il y a échange d’une richesse présente contre une richesse future.

Or ces deux opérations, la vente à terme et le prêt, constituent précisément les deux formes essentielles du crédit.

Comme une chose future vaut nécessairement moins qu’une chose présente, il faudra, pour rétablir l’équilibre dans cet échange, que la valeur restituée par l’emprunteur soit un peu supérieure à la valeur qu’il a reçue. De là vient que la vente à terme se fait toujours à un prix un peu plus élevé que la vente au comptant et la différence s’appelle l’escompte. De là vient aussi que dans le prêt la somme remboursée est toujours un peu supérieure à la somme reçue et la différence s’appelle l’intérêt[1].

Le caractère essentiel du crédit c’est donc la consommation de la chose vendue ou prêtée et l’attente de la chose nouvelle destinée à la remplacer. Car, tandis que dans la location d’une maison ou d’une terre, le bailleur sait qu’elle lui sera restituée et ne la perd pas de vue un seul instant entre les mains de l’emprunteur, celui qui prête une chose destinée à être consommée sait qu’il s’en dépouille irrévocablement ; il sait qu’elle va être détruite et que telle est sa destination[2]. Le sac de blé devra passer sous la meule ou devra être enfoui sous le sillon en attendant la farine ou la moisson nouvelle. Le sac d’écus, quel que soit l’usage qu’on veuille en faire, devra être vidé jusqu’à sa dernière pièce en attendant l’argent futur que l’on espère gagner. Or c’est là une situation vraiment redoutable, aussi bien pour la personne qui emprunte que pour celle qui prête :

1° Quant au préteur d’abord, il est exposé à des risques

  1. Voy. de Bœhm-Bawerk, Kapital und Kapitalzins (traduit en anglais). Nous n’avons pas à nous occuper ici de la question de savoir si cette différence, l’escompte ou l’intérêt, est légitime ou abusive et si on pourrait la supprimer. Nous retrouverons cette question dans la répartition des richesses.
  2. Le véritable prêt implique l’aliénation ; c’est celui que dans la langue