Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/392

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les produits aux frais de production — cette hypothèse n’est jamais réalisée.

Il suffit de remarquer en effet :

1° Que la loi de la concurrence ne fonctionne jamais que très incomplètement, et qu’à vrai dire c’est plutôt le monopole qui est la règle. L’exemple que nous avons donné peut s’appliquer, mutatis mutandis, dans un nombre innombrable de cas. Tout homme riche l’est parce qu’il jouit de quelque monopole de fait dû à sa situation sociale, ou à ses qualités physiques ou intellectuelles, ou à l’emplacement qu’il occupe à titre de propriétaire, ou au simple fait de priorité et de position acquise.

2° Que même là où la loi de la concurrence fonctionne, elle n’empêche pas des rémunérations très inégales par suite du phénomène de la rente que nous avons étudié à propos des valeurs. Nous savons que de deux agriculteurs qui ont pris exactement la même peine et qui apportent sur le marché des sacs de blé exactement de même qualité, l’un touche une rente beaucoup plus élevée que l’autre (Voy. p. 75). Chaque automne dans le sud-est de la France, nous voyons des viticulteurs faire d’énormes fortunes en vendant, au prix courant de 13 à 20 francs l’hectolitre, des vins qui, grâce à la fertilité prodigieuse de leurs terres, représentent 5 à 6 fr. de frais de production. Et les cas de rente se rencontrent partout.


Mais si les injustices du mode de répartition existant sautent aux yeux, au point de vue de l’utilité sociale il se défend beaucoup mieux et reste à savoir si on peut en réaliser un meilleur. Or ceci est une tout autre question !

Il ne faut pas oublier d’abord que l’organisme économique forme un tout, que le mode de répartition est indissolublement lié au mode de production, que l’on ne saurait toucher à l’un sans toucher à l’autre et que tel mode de répartition même très supérieur au mode existant au point de vue d’une justice idéale, devrait être rejeté sans hésitation s’il devait avoir pour résultat de tarir les sources de la production — car