Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/398

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chesses qui ont cessé depuis longtemps d’être l’objet du droit de propriété dans tous les pays civilisés, je veux dire les esclaves et les femmes. Elle comprenait aussi les objets servant directement à la personne, les bijoux, les armes, le cheval, et dont l’appropriation individuelle se reconnaissait à ce signe qu’on les enfermait avec le propriétaire dans son tombeau (les esclaves et les femmes souvent aussi !).

Puis elle comprit aussi, sinon encore à titre de propriété individuelle, du moins comme propriété familiale, la maison, parce que la maison c’était le foyer, c’étaient les dieux pénates et que les dieux appartenaient à la famille[1].

Puis elle s’étendit à quelque portion de terre, tout au moins celle où étaient les tombeaux de famille, car les ancêtres aussi étaient la propriété de la famille. Mais, malgré ce premier pas, la propriété individuelle sur le bien par excellence, presque la seule richesse des anciens, la terre, fut très lente à s’établir[2]. En étudiant le revenu foncier, nous verrons comment la terre à son tour est rentrée, en droit, dans le domaine de la propriété et y rentre, en fait, tous les jours par les progrès de la colonisation et des défrichements, en sorte que le jour n’est pas loin où la propriété individuelle aura recouvert la terre entière et tout ce qu’elle contient à sa surface.

Tour à tour et suivant l’époque, telle ou telle propriété prend une importance particulière : — le bétail chez les peuples pasteurs, — la terre sous le régime féodal, — les mines de charbon quand vient l’ère de la machine à vapeur. La propriété individuelle s’est même créée de nos jours des objets nouveaux, inconnus des anciens : 1° d’abord sur les 200 ou 220 milliards qui constituent la richesse totale de la France, plus du tiers, 80 milliards environ, sont ce qu’on appelle des valeurs mobilières, c’est-à-dire des créances ou des parts de

  1. Voy. La Cité antique de Fustel de Coulanges.
  2. « D’après Meyer, la langue hébraïque n’a pas de mots pour exprimer la propriété foncière. D’après Mommsen, l’idée de propriété chez les Romains n’était pas primitivement associée aux possessions immobilières, mais seulement aux possessions en esclaves et en bétail, familia pecuniaque. Voyez aussi l’étymologie du mot mancipatio qui suppose évidemment un objet mobilier ». Herbert Spencer, Sociologie, tom. III.