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plus fort »[1]. Toutefois comme l’occupation ne figure qu’à l’origine de la propriété et qu’il n’est pas en général possible, dans la vérification des titres de propriété, de remonter aux origines, en pratique c’est la prescription qui la remplace : mais la prescription n’est elle-même qu’un fait de possession, tout comme l’occupation, et dépourvu comme celui-ci de toute valeur morale.

Acceptons donc aussi la propriété individuelle comme un fait historique et étudions-la maintenant dans les choses sur lesquelles elle porte et dans ses attributs. Au reste, l’ordre social ne s’est pas constitué par le développement logique d’un principe a priori : il est la résultante d’un ensemble de faits très complexes, les uns plus ou moins conformes, les autres plus ou moins contraires à l’idée que nous nous faisons de la justice — occupation ou conquête, mœurs ou lois, travail ou épargne.



IV

ÉVOLUTION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ QUANT À SON OBJET.


Aujourd’hui toute richesse sans exception — à la seule condition qu’elle puisse être appropriée, ce qui exclut l’air, la mer, les grands cours d’eaux — peut faire l’objet d’un droit de propriété individuel, et, en fait, dans tous les pays d’Europe la presque totalité des richesses sont appropriées.

Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Il fut un temps au contraire où la sphère de ta propriété individuelle était infiniment petite.

Elle a compris tout d’abord sans doute précisément ces ri-

  1. Graham-Sumner, Des devoirs respectifs des classes de la société. Mais dans les sociétés antiques l’occupation est elle-même fondée sur la conquête. Le type de la propriété quiritaire à Rome, c’est celle qui a été acquise sub hasta, par la lance. Et une vieille chanson grecque dit : « Ma richesse est ma lance, mon glaive et mon beau bouclier, rempart de mon corps. C’est avec cela que je laboure, que je moissonne, que je vendange le vin de ma vigne » (Cité par Guiraud, La propriété en Grèce, p. 127).