Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/416

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— telle qu’elle se manifeste dans la grande production, les inventions mécaniques, le commerce international, la concurrence — qui détermine les chômages et les crises (Voy. pp. 145-178). Il est donc juste que la Société qui bénéficie dans son ensemble de chaque progrès accompli, et qui, dans ce grand combat de la vie, recueille tous les fruits de la victoire, — en subisse aussi les charges en venant au secours des blessés et des vaincus.

Le droit qu’ont ces diverses catégories de personnes à être secourues, c’est le droit à l’assistance. L’école socialiste n’aime guère ce mot qu’elle trouve humiliant et elle préfère employer les mots droit à l’existence, ou droit au travail pour ceux qui sont valides. Ce sont de grands mots, mais qui au fond ne signifient rien de plus que le droit de réclamer à la société, c’est-à-dire à ses concitoyens, de quoi suffire aux nécessités de l’existence. Or le fait de demander l’aide de ses semblables, quand on ne peut se suffire à soi-même, n’en sera pas moins toujours, de quelque nom qu’on le nomme, un fait d’assistance, mais ce fait n’a en soi rien d’humiliant, car il n’est aucun de nous qui, à tout instant de sa vie, ne soit dans la nécessité de recourir à l’aide d’autrui.

Seulement, en employant ce mot « droit à l’assistance », il faut lui donner toute sa force, c’est-à-dire reconnaître comme contre-partie une obligation de la part de la Société, non pas seulement obligation naturelle, mais obligation légale. Beaucoup d’économistes pensent que l’assistance constitue bien un devoir pour la Société, mais non un droit pour l’indigent ; c’est là une subtilité de juriste. Toutes les fois qu’une personne se trouve dans certaines conditions que la loi aura à déterminer, la Société ne doit pas pouvoir échapper à l’obligation de la secourir, et les dépenses nécessaires à cet objet devront être inscrites devront être inscrites au budget de l’État ou des communes : c’est à ce signe que l’on distingue l’assistance légale de celle qui n’est que facultative[1].

  1. La France a bien une assistance publique (il n’est aucun pays civilisé où il n’y en ait une) représentée par les hôpitaux et les bureaux de