Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/417

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L’école classique cependant, surtout depuis Malthus, proteste contre l’assistance « légale ». Ses arguments peuvent tous être résumés dans cette formule souvent répétée : le nombre des indigents tend à augmenter en raison directe des secours qu’on leur assure. Et voici comment elle le démontre :

1° Le droit à l’assistance tend à développer l’imprévoyance. Nombre de gens qui peut-être se seraient tirés d’affaire s’ils n’avaient eu à compter que sur eux-mêmes, négligent de pourvoir à leur avenir ou à celui de leurs enfants du jour où ils savent qu’ils peuvent compter sur les secours de l’État pour eux-mêmes et pour leurs enfants. « Nargue les soucis ! dit une chanson des ouvriers des campagnes en Angleterre : la paroisse est une bonne mère ; elle nous nourrira bien ».

2° Le droit à l’assistance pousse à la multiplication de la population dans les classes indigentes. Les indigents n’ont pas de soucis quant à l’entretien de leurs enfants puisqu’ils n’ont pas à se préoccuper de les élever. Ils ne peuvent qu’y gagner, au contraire, puisque les secours sont naturellement distribués proportionnellement au nombre des enfants. On est forcé ainsi de donner une sorte de prime à l’accroissement des miséra-

    bienfaisance, et même elle y dépense une centaine de millions de fr. par an, mais ces dépenses ont un caractère purement facultatif, tant pour les communes que pour les départements et l’État (sauf cependant pour les enfants abandonnés et les aliénés). Cependant le droit à l’assistance a été inscrit dans la plupart des nombreuses constitutions qui se sont succédées en France, mais aucune loi n’ayant organisé cette assistance d’une façon positive, ce droit est resté une vaine déclaration de principes.
    En Angleterre, l’assistance publique a été organisée par une série de lois dont la première remonte à la reine Elisabeth et qui constituent un véritable monument législatif. Chaque paroisse est tenue à entretenir ses pauvres dans des workhouses ou à domicile et doit pourvoir aux dépenses qu’exige cette assistance par un impôt spécial connu sous le nom de poor-rate et dont le total s’élève à 200 millions de francs environ.
    Au point de vue de la législation sur l’assistance publique, les pays d’Europe peuvent se diviser en deux catégories bien tranchées. Tous les pays protestants admettent le principe de l’assistance publique obligatoire, c’est-à-dire inscrite dans la loi : les pays catholiques n’admettent que l’assistance publique facultative. La raison de cette curieuse opposition est toute historique. Les congrégations catholiques, pendant tout le moyen âge, avaient pris à leur charge l’entretien des indigents, et dans les pays où la Réforme s’introduisit, l’État, en s’emparant des biens de ces communautés, en accepta en général les charges, parmi lesquelles celles de l’assistance.