qui ne possèdent rien et un moyen de les exploiter. Et voilà pourquoi le seul mode de répartition qu’elle admette, c’est, pour employer sa formule même qui fait image, « la prise au tas ».
Personne n’aura la naïveté de méconnaître que la formule « à chacun suivant ses besoins » ne fût la plus agréable[1], si les richesses étaient en quantité illimitée ou du moins surabondante et s’il n’y avait qu’à prendre « au tas » de la même façon que chacun puise à discrétion dans l’air atmosphérique ou dans l’eau des sources.
Malheureusement tel n’est point le cas ; la quantité de richesses est et sera vraisemblablement toujours en quantité insuffisante pour nos besoins ou nos désirs, puisque ceux-ci grandissent en raison même de la facilité que nous trouvons à les satisfaire. Donc le rationnement s’impose[2]. Dans la famille que l’on prend pour exemple, le rationnement est fait d’autorité par le père ou la mère de famille qui donne à chacun sa part. Mais quelle sera ici l’autorité chargée de cette tâche si délicate ? Il n’y en aura point, puisque le programme des nouveaux communistes, des anarchistes, c’est la suppression de toute autorité, de tout gouvernement, et leur devise « Ni Dieu ni maître ». Tout s’arrangera, assurent-ils, par des concessions amiables et le concours des bonnes volontés. Rien n’autorise évidemment une hypothèse si contraire à tout ce que nous savons de la nature humaine.
Cependant nous ne disons pas, comme on l’a fait a tort, que l’organisation communiste est absolument chimérique, puisqu’elle a certainement existé, sinon à l’origine de toutes les sociétés humaines, comme on l’a soutenu d’une façon un
- ↑ Nous ne disons pas « la plus juste », comme on le dit généralement, car on ne voit pas pourquoi plus de besoins créerait plus de droit. Les sobres seraient toujours dupes à ce jeu-là. Le professeur Schmoller dit très bien « c’est une complète erreur de faire de nos besoins une règle de justice distributive, car nos besoins ont nécessairement un caractère égoïste : c’est le travail, le mérite, les actes, qui peuvent seuls servir au genre humain et par là fournir une règle de justice distributive (L’idée de justice).
- ↑ Les anarchistes supposent que tout rationnement deviendra inutile par suite de la surabondance des richesses ! (Voy. la note de la p. 386).