Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

5° Le droit de propriété individuelle que l’école collectiviste prétend maintenir en le restreignant aux produits du travail personnel, ne sera qu’un leurre. En effet si cette propriété était reconnue avec tous les attributs que comporte le droit de propriété, notamment ceux de prêter, de vendre ou de faire valoir, elle ne tarderait pas à reconstituer — en même temps que l’inégalité des richesses — des créanciers et des débiteurs, des patrons et des salariés, des vendeurs et des acheteurs, c’est-à-dire tout l’édifice économique qu’on avait renversé. Aussi bien les collectivistes stipulent-ils qu’en aucun cas le soi-disant propriétaire ne pourra vendre ou prêter sa part, ni l’employer affairé travailler autrui[1], mais qu’il pourra simplement la manger, la garder ou la donner, en d’autres termes qu’il lui sera interdit d’en faire tout autre emploi qu’un emploi improductif. Or d’abord ceci nous ouvre une perspective peu rassurante sur l’avenir de la production. De plus, comme il est vraisemblable que les propriétaires ne s’accommoderont pas facilement d’une propriété ainsi mutilée et feront des efforts désespérés pour en tirer le parti le plus avantageux, ceci nous fait prévoir des mesures singulièrement vexatoires pour la liberté individuelle. En tous cas le droit de propriété ainsi amputé de ses attributs les plus essentiels ne sera plus qu’un mot, qu’une ombre, et nous retomberons ou peu s’en faut, dans le communisme.


    liser le mouvement perpétuel, parce que, de même, elle est en contradiction avec les lois naturelles. C’est la loi de la valeur qui rendrait son fonctionnement impossible. On pourra bien me donner, en échange de mon travail, un nombre de bons égal au nombre d’heures de travail accompli mais on ne pourra pas me garantir qu’en échange de ces bons je pourrai me procurer toujours des produits représentant le même nombre d’heures de travail car on ne pourra jamais empêcher qu’un objet rare ne vaille plus qu’un objet abondant, eût-il coûté le même nombre d’heures de travail. Si la nécessité avait fondé la valeur sur le travail, la question sociale aurait été très simplifiée : il n’aurait pas été difficile de s’arranger de façon à rendre la rémunération de chacun proportionnelle à son travail. Malheureusement elle ne l’a pas fait (Voy. pp. 64-67).

  1. Pourra-t-il même l’employer pour travailler lui-même d’une façon indépendante ? Provisoirement et autant qu’il y aura des producteurs autonomes, oui peut-être, mais logiquement non, toute production individuelle devant être finalement remplacée par la production sociale.