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transmises par successions et donations, par périodes de vingt ans, nous voyons l’ascension suivante :


1835 2.059 millions
1855 3.133
1875 5.320
1895 6.970


L’annuité successorale étant évidemment proportionnelle à la masse des fortunes privées, on peut donc affirmer que l’ensemble des fortunes privées a beaucoup plus que triplé depuis soixante ans et plus que doublé depuis quarante ans. Or, cet accroissement est assurément supérieur à celui des salaires, puisque, d’après les évaluations les plus optimistes, les salaires industriels ont tout au plus doublé depuis un demi-siècle, et même, d’après des statistiques plus circonspectes, paraissent n’avoir augmenté que des 2/3[1].

3° Enfin, il faut remarquer que les salaires moyens donnés par toutes les statistiques s’appliquent à des salaires présumés annuels et réguliers. Or le chômage et les mortes-saisons, qui deviennent un mal chronique de l’industrie, peuvent réduire effroyablement le salaire effectivement touché.

  1. Cependant, il est juste de faire remarquer avec M. Paul Leroy-Beaulieu :
    1° Que cet accroissement considérable des capitaux est en partie factice, en tant qu’il est dû à une élévation dans le taux de capitalisation, laquelle résulte elle-même d’un abaissement du taux de l’intérêt. Une rente de 3.000 fr. sur l’Etat valait 60.000 fr. il y a quarante ans et en vaut 100.000 aujourd’hui ; mais la part du revenu social prélevée parle porteur n’est pas plus grande ;
    2° Que cet accroissement des capitaux tend à se ralentir assez sensiblement depuis quelques années (le maximum a été atteint en 1892 avec le chiffre de 7.417 millions) — ce qui s’explique aisément par les prélèvements de plus en plus considérables exercés par l’impôt, par les réductions de revenus résultant des conversions de rentes et obligations, par la diminution de valeur des terres et la réduction des fermages.