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prendre à faire le sacrifice de certains de leurs droits en faveur d’autrui[1].

§ 5. — Solidarisme.

Dans cette revue rapide, nous ne pouvons passer sous silence une école qui ne date que de quelques années mais dont l’influence grandit rapidement c’est celle qui prend pour devise le mot de solidarité.

Vivement frappée par le fait de la solidarité, c’est-à-dire de la dépendance mutuelle des hommes que la science sociale nous révèle sous mille formes, dont la division du travail et l’hérédité ne sont que les plus caractéristiques, elle y voit non seulement la plus grande loi économique mais une grande loi morale. Elle cherche à donner aux individus en même temps qu’une conscience de plus en plus claire de leur état de mutuelle dépendance, le désir et la bonne volonté de travailler à le développer.

Elle se sépare de l’école libérale en ce qu’elle répudie le principe de la concurrence et de la lutte pour la vie pour lui substituer celui de coopération et de l’union entre les intérêts opposés, de « l’union pour la vie ».

Elle se sépare de l’école révolutionnaire en ce qu’elle ne croit pas à l’efficacité de la révolution et de l’expropriation pour transformer l’homme, ni même le milieu social. Elle vise cependant à réaliser les principaux desiderata du socialisme, mais par la voie de l’association libre et non par l’association forcée qui caractérise le collectivisme. Elle met à

  1. On peut faire remonter les origines de cette école au groupe de chrétiens anglais, pasteurs et laïques (Kingsley, Maurice, etc.) qui, il y a un peu plus d’un demi-siècle, se passionnèrent pour les questions sociales et partagèrent avec le socialiste Owen, quoique dans un esprit très différent, l’honneur d’avoir créé le mouvement coopératif. Plus tard les grands littérateurs, Carlyle et Ruskin, subirent et propagèrent à leur tour son influence.
    En Allemagne, le pasteur Stoecker et plus récemment le pasteur Nauman se sont faits les apôtres d’un socialisme chrétien qui, pour ce dernier surtout, est très avancé.
    Aux États-Unis et même en France diverses associations protestantes pour l’étude des questions sociales ont été constituées.