Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/479

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Mais cette initiative des patrons est un acte de générosité qui ne trouve pas beaucoup d’imitateurs, soit faute de bonne volonté, soit aussi faute de ressources, de semblables institutions ne pouvant fonctionner qu’avec un personnel et des capitaux considérables.

Reste encore un troisième personnage auquel on peut recourir, c’est l’Etat.

Et il semble bien qu’on ne puisse guère éviter de lui demander d’intervenir : c’est d’ailleurs un acte de bonne administration de sa part, car le moindre de ces risques a pour effet de précipiter le prolétaire, ou ceux qu’il laisse après lui, dans les bas-fonds du paupérisme, quelquefois même dans ceux du crime ; or, l’armée des misérables constitue à la fois pour la Société un péril et une cause de dépenses considérables. Il y a donc un intérêt social de premier ordre, en laissant même de côté toute question de justice, à les conjurer. Mais remarquez que son intervention peut s’exercer de trois façons bien distinctes :

1° L’État peut poser le principe de l’assurance obligatoire — soit pour l’ouvrier en ce qui le concerne, par exemple pour la maladie, la vieillesse et le chômage, — soit pour le patron en ce qui concerne ses ouvriers, par exemple pour les accidents — mais en laissant d’ailleurs à chacun d’eux la liberté de s’assurer où il voudra. De même que pour l’instruction obligatoire, par exemple. C’est le plus simple : seulement il ne sera pas facile d’assurer une sanction à cette loi et en admettant même qu’on puisse forcer les ouvriers à s’assurer et à payer, il resterait à prévoir pour eux un risque grave celui de l’insolvabilité possible du patron.

2° L’État peut se faire lui-même assureur. S’il se contente d’imposer l’assurance obligatoire sans fournir les moyens de s’assurer, il semble qu’il s’arrête à mi-chemin. Quand l’État a décrété l’instruction obligatoire, il s’est chargé de fournir gratuitement les écoles et le personnel enseignant. Ne faut-il pas que l’État, de même ici, crée les caisses d’assurances et prenne à sa charge, tout ou partie des frais, du moins ceux qui incomberaient aux ouvriers ?