Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/492

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Mais qui déterminera la limite nécessaire à cette vie décente ? Sans doute le patron. Or, en le supposant si éclairé et si altruiste qu’on voudra, la garantie sera mince. D’ailleurs, au point de vue purement théorique auquel nous nous plaçons ici, ce critérium d’un juste salaire peut être considéré comme injuste, car il implique tout de même qu’à un certain chiffre le salaire sera jugé suffisant. Or, pourquoi alors n’y aurait-il pas aussi un « juste revenu », c’est-à-dire un revenu limité à un certain niveau, pour le propriétaire ou le capitaliste ? Il n’y a aucune raison pour limiter à un niveau quelconque la part du salarié alors que la part des autres copartageants est supposée illimitée. Pourquoi serait-il le seul à devoir se contenter d’une sage médiocrité ? Il a sinon plus, du moins autant de droits que les autres, à participer à tous les fruits d’une civilisation grandissante, fussent même des fruits de luxe.

L’école coopérative enfin considère le salariat comme une forme relativement inférieure et destinée à être remplacée progressivement par celle de l’association. Elle espère qu’un jour les ouvriers, réunis en associations coopératives et copropriétaires des instruments de production, pourront toucher la totalité de leur produit et cesseront ainsi d’être salariés pour devenir leurs propres maîtres. — En attendant, et aussi longtemps que subsiste la nécessité du patronat et par conséquent du salariat qui en est la contre-partie, elle cherche à greffer sur le salariat, pour le corriger, l’association sous forme de participation aux bénéfices. L’ouvrier, en dehors de la part qu’il touche à titre de salaire et qui continuerait à être réglée par la loi de l’offre et de la demande, toucherait une part proportionnelle au produit, c’est-à-dire proportionnelle à l’accroissement général des richesses. C’est ce que nous verrons plus loin à propos du profit.