Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/508

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et par conséquent aussi les frais de production, elle faciliterait l’exécution d’entreprises jusque-là impossibles. Voici une terre qu’on pourrait défricher, des maisons qu’on pourrait bâtir pour y loger des ouvriers, mais on sait qu’elles ne rapporteront pas plus de 3 %. Si donc le taux courant de l’intérêt est de 5 %, on ne pourra trouver de capitaux pour ces entreprises, car on ne pourrait les entreprendre qu’à perte on s’abstiendra. Mais supposez que le taux de l’intérêt tombe à 2 % : aussitôt on s’empressera de les exécuter. Turgot, dans une image célèbre, compare l’abaissement du taux de l’intérêt à la baisse graduelle des eaux qui permet d’étendre la culture sur de nouvelles terres.

Mais il ne suffit pas de dire que cette baisse est désirable. Est-elle probable ? A-t-elle un caractère permanent ? Peut-on la considérer, en un mot, comme une véritable loi économique, naturelle, semblable, par exemple à cette de la hausse de valeur de la terre ou même de la baisse de valeur de la monnaie métallique.

L’économie politique, particulièrement l’école optimiste française depuis Turgot jusqu’à M. P. Leroy-Beaulieu, a toujours affirmé cette loi : Bastiat la mettait au nombre de ses plus belles « Harmonies ».

Cette thèse s’appuie à la fois sur le raisonnement et sur les faits.

En fait, la baisse considérable du taux de l’intérêt qui, depuis trente ou quarante ans, l’a fait tomber de 5 à 3 et même 2 1/2 %, sera un des phénomènes économiques les plus caractéristiques de la seconde moitié du XIXe siècle.

En théorie, il semble raisonnable de penser que dans une société progressive les capitaux doivent devenir de plus en plus abondants, comme d’ailleurs toute richesse artificielle, et que par suite leur utilité finale et leur valeur doit aller en décroissant. Et la sécurité aussi doit aller en augmentant, si du moins on admet que le progrès suppose de la part des individus et des États plus de fidélité à leurs engagements ou des moyens de contrainte plus efficaces de la part des créanciers. Enfin si les capitaux doivent devenir plus abondants et plus