Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assurés, il y a lieu de penser aussi qu’ils deviendront moins productifs et que les profits diminueront, soit dans l’agriculture par suite de la loi du rendement non proportionnel, soit même dans l’industrie ou les transports parce que les possibilités d’emploi y sont limitées — par exemple il est incontestable que les chemins de fer qu’on pourra encore construire en France seront beaucoup moins productifs que les grandes lignes par lesquelles on a commencé. Ainsi de tous les facteurs qui déterminent le taux de l’intérêt, il n’en est pas un seul qui ne le pousse dans le sens de la baisse.

Il semble même qu’il n’y ait guère de limite assignable à cette décroissance, car il n’y a pas ici, comme quand il s’agit d’une marchandise, la limite minimum des frais de production, ou comme quand il s’agit du salaire, celle fixée par le coût d’existence d’un ouvrier. Ici la seule limite c’est celle au-dessous de laquelle le capitaliste renoncerait à prêter et préférerait thésauriser son capital ou le manger mais quel est le taux au-dessous duquel le capitaliste préférera dépenser son argent ou le garder sous clé que le prêter ? Sera-ce 1 p. 100 ? Sera-ce 1 p. 1000 ? Nul ne peut le dire[1].

Voilà les arguments : mais aucun ne nous paraît décisif.

En fait, la soudaineté même et l’amplitude de la baisse qu’a subie, en moins d’une génération, l’intérêt de l’argent, nous révèle assez qu’il ne s’agit point ici de ces courbes séculaires qui caractérisent le mouvement évolutif, mais d’une oscillation temporaire et probablement périodique. Et c’est ce que l’histoire confirme aussi. Sous l’Empire Romain le taux de

  1. Bastiat dit que l’intérêt peut descendre au-dessous de toute quantité assignable sans jamais pourtant descendre à zéro, comme ces courbes, connues en mathématique sous le nom d’asymptotes, qui peuvent se rapprocher indéfiniment d’une ligne droite sans jamais arriver à la toucher. Un économiste anglais, M. Foxwell, a même eu le courage de déclarer qu’un jour pourrait venir où les capitalistes, loin de toucher un intérêt de ceux à qui ils confieraient leurs fonds, les paieraient au contraire pour cela. C’est donc la gratuité du crédit rêvé par Proudhon et qu’on avait si fort raillée.
    Il est juste de dire d’ailleurs que M. Foxwell vise surtout les prêts faits aux banques sous forme de dépôts. Et dans ce cas, en effet, il est très possible qu’à raison du service qu’elles rendent au déposant, non seulement les banques ne paient point d’intérêt, mais encore fassent payer un droit de garde : c’est ce qu’elles faisaient autrefois (Voy. p. 327).