l’homme perfectionne et modifie tous les jours par son travail et ses dépenses ce merveilleux instrument de production que la nature lui a fourni, pour le mieux adapter à ses fins, et en ce cas il lui confère évidemment une utilité et une valeur nouvelles. Nous reconnaissons même qu’au fur et à mesure que l’art agricole fait des progrès, la terre tend à devenir de plus en plus un produit du travail, puisque dans la culture maraîchère, par exemple, le terreau est un composé artificiel préparé de toutes pièces par le jardinier. Mais il est toujours possible, en théorie sinon en fait, de retrouver sous les couches accumulées du capital ou du travail humain la valeur primitive du sol.
Elle apparaît d’abord comme à l’œil nu dans la forêt ou la prairie naturelle qui n’ont jamais été défrichées ni cultivées et qui peuvent pourtant se vendre et se louer à un haut prix ; dans ces plages de sable des départements du Gard et de l’Hérault qui n’ont jamais été labourées que par le vent du large et qui ont fait néanmoins la fortune de leurs heureux possesseurs du jour où l’on a découvert par hasard qu’on pourrait y planter des vignes indemnes du phylloxéra[1] ; dans les terrains à bâtir des grandes villes où jamais la charrue n’a passé et qui ont pourtant une valeur infiniment supérieure à celle de la terre la mieux cultivée (Voy. p. 510).
Même pour les terres cultivées, cette valeur naturelle du sol apparaît encore d’une façon bien sensible dans l’inégale fertilité des terrains, qui fait que de deux terres qui ont été l’objet des mêmes travaux et des mêmes dépenses, l’une
- ↑ La Compagnie des Salins du Midi, qui ne se servait autrefois de ces plages que pour produire le sel, y a planté des vignobles qui produisent 50 à 70.000 hectolitres de vin représentant un revenu brut de 12 à1.500.000 francs. Sans doute elle a fait des frais énormes, mais le terrain de sable nu qui ne valait rien il y a dix ans, vaut aujourd’hui au moins 2.000 francs l’hectare.
toute trace du travail de l’homme se soit effacée et que la nature lui ait refait une virginité, et qu’on nous dise si, en cet état, cette terre aura perdu toute valeur, si elle ne trouvera ni fermier ni acquéreur ! Il y a tout à parier, au contraire, que même laissée dans cet état, elle vaudra beaucoup plus dans cent ans qu’aujourd’hui.