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maintiennent bon gré mal gré la charge de la propriété foncière sur la tête de personnes qui sont dans l’impossibilité de faire valoir directement. Sous prétexte de sauvegarder quelques intérêts privés, elles compromettent l’intérêt public[1].


V

LES SYSTÈMES DE NATIONALISATION DU SOL.


Les caractères de la propriété foncière, tels qu’ils étaient constatés par les économistes classiques eux-mêmes — à savoir ceux d’une sorte de monopole justifié en fait mais difficilement justifiable en droit — devaient faire naître logiquement la préoccupation de rendre le fait conforme au droit.

C’est en effet ce qui est arrivé. Non seulement les socialistes proprement dits, mais des économistes et des philosophes à peine socialisant ou même tout à fait libéraux et individualistes, ont admis, sinon l’illégitimité de la propriété foncière individuelle, du moins l’existence d’une copropriété sociale destinée à lui servir de correctif quelque peu semblable à ce que les jurisconsultes autrefois appelaient « le domaine éminent » de l’État et ont cherché divers moyens pour réaliser cette propriété sociale[2].

  1. La loi défend même aux administrateurs de ces biens (tuteurs, maris, etc.) de consentir des baux de trop longue durée, ce qui aggrave encore le mal.
  2. Nous ne parlerons pas ici du socialisme agraire de l’antiquité, bien que son histoire soit importante. C’est le baron de Colins en Belgique, qui paraît avoir créé, il y a un demi-siècle, le premier système complet de collectivisme agraire lequel est représenté encore aujourd’hui en Belgique par une petite école. Il excluait de la propriété privée non seulement la terre, mais aussi les maisons, et d’autres l’ont suivi dans cette voie, la maison pouvant être considérée (et telle est même la doctrine juridique) comme un accessoire du sol sur lequel elle est bâtie. Émile de Laveleye, belge aussi, dans son livre sur la Propriété, que nous avons déjà cité et qui a eu un grand retentissement, regrette les formes collectives de la propriété primitive et cherche les moyens d’y revenir. En Suisse, M. le professeur Walras a proposé un système de rachat du sol par l’Etat, et le philosophe Secrétan mort récemment (ce dernier au-