Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/537

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Voici les plus importants de ceux qui ont été proposés :

1° Le premier consisterait à supprimer le caractère de perpétuité de la propriété foncière et à en faire une concession temporaire. L’État, propriétaire nominal du sol, le concéderait aux individus pour l’exploiter pour des périodes de longue durée, 50, 70 ou même 99 ans, comme il fait pour les concessions de chemins de fer. Le terme arrivé, l’État rentrerait en possession de la terre (comme il rentrera vers 1948 en possession des chemins de fer) et il la concéderait alors pour une nouvelle période, mais naturellement en faisant payer aux nouveaux concessionnaires, soit par une somme une fois versée, soit par une rente annuelle, l’équivalent de la plus-value dont ils bénéficieraient. De cette façon, l’État représentant la collectivité bénéficierait de toute la plus-value, qui finirait par lui constituer un revenu énorme et lui permettrait un jour d’abolir tous les impôts.

    teur du livre sur La liberté), sans aller jusque-là, admet que la propriété foncière a besoin, pour se faire pardonner son usurpation, d’admettre comme compensation pour les non-propriétaires, le droit à l’assistance. — En France, les philosophes Renouvier et Fouillée ont émis des doctrines analogues. En Italie, le professeur Loria soutient non seulement que l’appropriation de la terre est illégitime, mais que toute l’évolution sociale, politique, morale, religieuse, esthétique, des sociétés humaines a été déterminée et viciée par cette cause unique, et que la solution de toutes les questions c’est « le retour à la terre libre », sans qu’il explique bien clairement comment s’y prendre pour effectuer ce retour. Aux États-Unis, Henri George, mort cette année 1897, est l’auteur d’un livre Progrès et Pauvreté et d’un système pour abolir le revenu foncier qui ont eu pendant quelques années une vogue énorme (Voy. p. suivante). — En Angleterre, le naturaliste Wallace et une école de socialistes chrétiens enseignent catégoriquement que toute propriété privée sur la terre est illégitime : « La terre est à moi, dit l’Éternel ». Le célèbre philosophe Herbert Spencer lui-même, l’individualiste à outrance, l’avait aussi formellement condamné dans ses premiers ouvrages, mais il s’est ravisé dans ses derniers (Voy. p. 517, note 2). Plusieurs journaux religieux prêchent ouvertement le programme de la nationalisation du sol et deux sociétés laïques envoient des conférenciers itinérants pour la prêcher dans les campagnes. Les Red Vans (voitures rouges qui servent aux apôtres nomades de cette église) prêchent la confiscation de toute la terre : les Yellow Vans (voitures jaunes) simplement le rachat des terres des lords. — Rappelons que les collectivistes au contraire se posent aujourd’hui en France et même en Allemagne comme les défenseurs de la petite propriété foncière (Voy. p. 427, note 2), ce qui constitue très certainement, quoiqu’ils en disent, une trahison de la doctrine marxiste.