Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/552

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

III

DE LA LÉGITIMITÉ DU PROFIT.

Précisément parce que l’entrepreneur est le grand premier rôle sur la scène économique, c’est lui que visent surtout les attaques du socialisme.

Déjà Owen, au commencement de ce siècle, voyait dans le profit le résumé de tout le mal économique et s’efforçait de l’abolir par l’institution d’un magasin d’échange où les travailleurs pourraient échanger leurs produits contre des bons de travail et réciproquement, sans avoir à passer sous le joug de l’entrepreneur et par conséquent sans avoir à lui payer tribut sous forme de profit.

Mais c’est surtout depuis le livre de Karl Marx sur le Capital que l’attaque s’est précisée. Voici sommairement de quelle façon ce rude jouteur démolit le revenu de l’entrepreneur, du patron.

L’assimilation établie par les économistes entre le rôle de l’entrepreneur et celui du travailleur est absurde ou du moins surannée. Autrefois le patron qui travaillait lui-même avec ses ouvriers, primus inter pares, pouvait être considéré


    celui qu’il touche à titre de travailleur, ou de capitaliste et que le surplus (ce qu’on appelle généralement le profit) n’est qu’un accident heureux.
    Cette thèse, qui paraît au premier abord paradoxale, paraîtra plus claire si nous considérons le profit sous sa forme la plus simplifiée, le dividende.
    Elle veut dire que si deux-capitalistes avaient mis une somme égale dans les mêmes entreprises, le premier tout en actions, le second tout en obligations, ils se trouveraient, au bout d’un laps de temps assez long, disons cinquante ans, avoir touché exactement le même revenu. Or cette assertion sera, croyons-nous, confirmée par les gens qui ont l’expérience des-affaires. Il n’est même pas certain que, tout compte fait, le revenu actions ne se trouvât inférieur au revenu obligations, à raison de cette loi psychologique qui fait que les hommes attachent toujours une valeur exagérée aux bonnes chances et une insuffisante aux mauvaises.