autre richesse qu’il faudra nous offrir pour éveiller dans notre âme un désir contraire et égal en intensité, et pour faire pencher la balance du côté de cette dernière. On s’exprime donc bien quand on dit que la valeur d’une chose est mesurée par la quantité d’autres choses contre laquelle elle peut s’échanger, ou plus brièvement que la valeur d’une chose est exprimée par son pouvoir d’acquisition[1].
Si donc, en échange d’un bœuf, je puis avoir 8, 10, 12 moutons, je dirai que la valeur d’un bœuf est 8, 10, 12 fois plus grande que celle d’un mouton, ou à l’inverse que la valeur d’un mouton est 8, 10, 12 fois plus petite que celle d’un bœuf, ce que l’on peut exprimer en disant que les valeurs de deux marchandises quelconques sont toujours en raison inverse des quantités échangées. Plus il faut livrer d’une chose dans l’échange, moins elle vaut et moins il faut en livrer en échange d’une autre, plus elle vaut. C’est comme dans une pesée quand la balance est en équilibre, vous pouvez dire que les poids des objets sont en raison inverse des quantités pesées. S’il a fallu mettre 10 moutons dans un des plateaux pour faire équilibre à un seul bœuf dans l’autre, c’est que le poids du mouton n’est que le 1/10 du poids du bœuf.
L’échange sert donc à mesurer la valeur et à la déterminer, mais, à notre avis, il ne la crée pas. Cependant nous devons dire que nombre d’économistes affirment que l’idée de valeur ne saurait se concevoir hors de l’échange et que le mot de valeur n’a même d’autre sens que celui de « rapport d’échange ».
Et pourquoi donc ? L’analyse que nous venons de faire ne démontre-t-elle pas au contraire que l’idée de valeur est antérieure et supérieure à l’échange. L’idée de valeur ne suppose rien de plus qu’une préférence accordée à une chose sur une autre ; une comparaison, une balance, une lutte entre deux
- ↑ Mais il ne faut pas dire, comme on le fait trop souvent, que le pouvoir d’acquisition est ce qui constitue la valeur. C’est notre désir seul qui constitue la valeur. La puissance d’acquisition n’est qu’un effet de la valeur, comme la puissance d’attraction d’un électro-aimant n’est qu’un effet du courant qui le pénètre.