Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/94

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longue, puisque, même au taux de 5 % par an, le stock doublerait en 15 ans. Si donc la valeur des métaux précieux présente des garanties suffisantes de stabilité dans le temps, quand on s’en tient à de courtes périodes, elle ne les présente plus au même degré quand on embrasse de longues périodes de temps, je ne dirai même pas de plusieurs siècles, mais seulement d’une génération. À ce point de vue, la mesure choisie est donc très défectueuse.

Aurait-on pu en trouver une meilleure ? ― On en a proposé plusieurs, d’abord le blé.

Ce choix étonne à première vue, car nous venons de dire que si l’on considère la valeur de cette denrée en différents lieux ou à différentes époques, on constate qu’il en est peu dont les variations soient plus marquées ! On voit au même moment l’hectolitre de blé se vendre 20 francs en France, 15 francs à Londres, et 7 à 8 dans tel État de l’Ouest Américain. Et d’une année à l’autre, suivant que l’année sera bonne ou mauvaise, le blé peut varier aussi dans des proportions considérables.

À cela on répond que si la valeur du blé est incomparablement plus variable que celle des métaux précieux lorsqu’on ne considère que de courts intervalles de temps, elle est, par contre, beaucoup plus stable si l’on embrasse de longues périodes. Le blé répond à un besoin physiologique, permanent et qui ne varie guère. Aucune marchandise ne présente au même degré ce double caractère — du moins dans nos sociétés d’origine européenne : — d’être presque indispensable jusqu’à une certaine limite, celle marquée par la quantité nécessaire pour nourrir un homme, et d’être presque tout à fait inutile au delà de cette limite, car personne ne se soucie d’en manger plus qu’à sa faim. Donc malgré les brusques et fortes oscillations que les caprices du ciel infligent à sa production, la loi de l’offre et de la demande tend toujours à la ramener au niveau marqué par le besoin physiologique et avec d’autant plus de force que la production s’est momentanément écartée de la position d’équilibre.

Il est très vrai que le blé présente, au point de vue des