Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mère Rondeaux. Les vacances du nouvel an, nous les passions à Rouen dans la famille de ma mère ; celles de Pâques, à Uzès auprès de ma grand’mère paternelle.

Rien de plus différent que ces deux familles ; rien de plus différent que ces deux provinces de France, qui conjuguent en moi leurs contradictoires influences. Souvent je me suis persuadé que j’avais été contraint à l’œuvre d’art, parce que je ne pouvais réaliser que par elle l’accord de ces éléments trop divers, qui sinon fussent restés à se combattre, ou tout au moins à dialoguer en moi. Sans doute ceux-là seuls sont-ils capables d’affirmations puissantes, que pousse en un seul sens l’élan de leur hérédité. Au contraire, les produits de croisement en qui coexistent et grandissent, en se neutralisant, des exigences opposées, c’est parmi eux, je crois, que se recrutent les arbitres et les artistes. Je me trompe fort si les exemples ne me donnent raison.

Mais cette loi, que j’entrevois et indique, a jusqu’à présent si peu intrigué les historiens, semble-t-il, que, dans aucune des biographies que j’ai sous la main à Cuverville où j’écris ceci, non plus que dans