Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

précipitait encore en approchant de la fin. Elle comptait à haute voix d’un bout à l’autre du morceau.

Quand je fus un peu plus grand, Mademoiselle de Gœcklin ne vint plus ; j’allai prendre les leçons chez elle. C’était un tout petit appartement où elle vivait avec une sœur plus âgée, infirme ou un peu simple d’esprit, dont elle avait la charge. Dans la première pièce, qui devait servir de salle à manger, se trouvait une volière pleine de bengalis ; dans la seconde pièce, le piano ; il avait des notes étonnamment fausses dans le registre supérieur, ce qui modérait mon désir de prendre la haute de préférence, lorsque nous jouions à quatre mains. Mademoiselle de Gœcklin, qui comprenait sans peine ma répugnance, disait alors d’une voix plaintive, abstraitement, comme un ordre discret qu’elle eût donné à un esprit : « Il faudra faire venir l’accordeur. » Mais l’esprit ne faisait pas la commission.


Mes parents avaient pris coutume de passer les vacances d’été dans le Calvados, à la Roque Baignard, cette propriété qui revint à ma mère au décès de ma grand’-