Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/109

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détournement de 5 kilos de riz et de quelques morceaux de charbon ; c’est bien lui qui a donné à B. deux kilos de café et de thé ; mais il les avait lui-même reçus de R.

La femme M. n’a jamais voulu garder chez elle quoi que ce soit de provenance douteuse.

Par contre, la femme W. mère de six enfants, est convaincue d’avoir recelé de la chicorée, du riz et un pot de peinture. Elle soutient que ces denrées lui étaient fournies par M. seul.

T. nettoyeur au dépôt de Sotteville, père de trois enfants, et dont la femme est mourante à l’hôpital, nous persuade qu’il n’a jamais rien volé ; sa déposition concorde entièrement avec celle de M. Mais il ne parvient pas à se laver de l’accusation de recel.

La femme Y. avoue le recel d’une paire de chaussettes, celle qu’Y, a donnée par la suite à X.

Un âpre dialogue se poursuit quelque temps entre la femme O., une hideuse pouffiasse au teint de géranium, et la femme P. qui sanglote et fait de grands efforts pour montrer qu’elle est de rang supérieur ; chacune des deux reproche à l’autre de lui avoir apporté de l’huile et des harengs.

P., le mari de la dernière, n’est pas employé à la compagnie. C’est un homme de cinquante ans, d’aspect énergique, grisonnant et à fortes moustaches, père de famille ; précédemment condamné pour coups et blessures ; il vit de ce que lui rapporte son jardin. Ce jardin ouvre sur la voie, à quelques pas d’un viaduc. En passant sous le viaduc on gagnait l’autre côté de la voie. (Un plan, ici