Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/110

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encore, nous rendrait service.) Nul lieu ne pouvait être mieux choisi pour les recels. P. reconnaît avoir recelé les denrées apportées par O. et par X. Il reconnaît même avoir fait le guet, une fois, “plutôt pour ma sécurité personnelle”, ajoute-t-il.

O. fils, âgé de quinze ans, reconnaît avoir reçu de la femme P. un paquet d’étoffe, mais soutient qu’il en ignorait la provenance ; etc. etc…

Durant la seconde suspension de la séance, les jurés en allant dîner échangent leurs impressions. Pour la première fois ils se tournent contre le ministère public ; c’est un revirement d’opinion très net et des plus curieux à observer.

Ils se redisent, ce qui ressort des rapports, que ces vieux employés étaient demeurés fidèles tout le temps qu’ils avaient travaillé sous la direction de l’ancienne compagnie ; si maintenant ils prêtaient la main à la gabegie générale, la nouvelle direction n’en était-elle pas responsable ? “ Quand tout à coup, dira l’un de leurs avocats, ces hommes ont vu sur leur casquette, inscrit à la place du mot Ouest, le mot Etat, chacun d’eux a pensé : l’Etat c’est moi ! Quoi d’étonnant s’ils se sont donné quelque licence ? ” Sans doute on compte sur la condamnation de ceux-ci pour calmer l’opinion publique ! Désespérant de saisir les vrais coupables, ou, qui sait ? peut-être craignant de les saisir, on veut faire payer à leur place les fauteurs de ces peccadilles ! Non ! non, les jurés ne seront pas si naïfs et ne se prêteront pas à ce jeu ; ils