Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/35

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“ qui n’a jamais connu le bonheur ”. Elle le peint, fils d’alcooliques, toujours battu chez lui ; “ on le faisait coucher dans les cabinets ” ; il suffit de le regarder pour voir qu’il est resté enfant ; il s’amuse avec des images, joue aux billes, à la toupie. Mais déjà précédemment il a tenté de “ se coucher sur la petite ”, qui alors l’avait mordu à l’oreille. De la prison il écrit à la marchande de légumes, des lettres incohérentes. La brave femme sort de sa poche une liasse de papiers et sanglotte.

L’interrogatoire est achevé. Le malheureux fait de grands efforts pour suivre le réquisitoire de l’avocat général, dont on voit qu’il ne comprend de ci de là que quelques phrases. Mais ce qu’il comprendra bien tout à l’heure, c’est qu’il est condamné à huit ans de prison.

Entre temps le Président nous a appris que, de l’aveu de l’accusé à l’instruction, “ c’est la première fois qu’il avait des rapports sexuels ”. Voici donc tout ce qu’il aura connu de “ l’amour ” !