Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/42

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Ce même jour nous avons à juger un incendiaire.

Bernard est un journalier de quarante ans, à l’air gaillard, à la tête ronde : il est chauve, mais se rattrape sur les moustaches. Il porte une chemise molle, à rayures ; une cravate formant nœud droit cherche à cacher le col qui est très sale. Il tient à la main une casquette usée. Bernard n’a pas d’antécédents judiciaires. Les renseignements fournis sur son compte ne sont pas mauvais ; tout ce qu’on trouve à dire c’est que son caractère est “ sournois ”. On ne le voit jamais au cabaret ; mais certains prétendent qu’il “ boit chez lui ” ; néanmoins il jouit de ses facultés. Son père, garde-champêtre estimé, s’est, dit-on, “ adonné à la boisson ” ; il a deux frères, “ alcooliques fieffés. ”

On reproche à Bernard quatre incendies. Le feu est d’abord mis au pressoir de sa belle-sœur, veuve Bernard, le 30 décembre 1911.