Page:Gide - Un esprit non prévenu, 1929.djvu/97

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— J’accorde que chaque pécheur clairvoyant peut aussitôt goûter le pressentiment complet de l’enfer. Et n’est-ce pas déjà l’enfer de connaître le lieu du repos, d’en savoir le chemin, la porte ; et de rester forclos ? de sentir la clarté de l’amour s’obscurcir, l’écran de la chair s’épaissir, cette chair s’aggraver sans cesse et, soi, s’y attacher toujours plus ? On parle toujours, à propos de l’enfer, de stagnation et l’on fait de ce non-progrès le dernier degré de l’horrible. Mais il y a pire ; il y a le lent progrès dans l’éloignement comme il y a progrès dans le rapprochement de l’amour. Ce n’est pas la ténèbre subite, c’est l’obscurcissement progressif. L’enfer — aussi bien que le paradis —