Page:Gilbert - Le Dix-huitième Siècle, 1775.djvu/16

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Là, des Turcs amoureux ſoupirant des maximes,
Débitent galamment Séneque mis en rimes :
Alzire au déſeſpoir, mais pleine de raiſon,
En invoquant la mort, commente le Phédon :
Pour expirer en forme, un Roi, par bienſéance,
Doit exhaler ſon ame avec une ſentence ;
Et chaque Perſonnage, au théatre produit,
Héros toujours ſoufflé par l’Auteur qui le ſuit,
Fût-il Scythe ou Chinois, dans un Traité sans titre,
Converſe éloquemment par geſte, ou par chapitre.
Thalie a de ſa ſœur partagé les revers :
Peindre les mœurs du temps eſt l’objet de ſes vers ;
Mais laſſe d’un emploi que le Goût lui confie,
Apôtre larmoyant de la Philoſophie,
Elle fuit la gaité qui doit ſuivre ſes pas
Et d’un maſque tragique enlaidit ſes appas.
Tantôt c’eſt un rimeur, dont la muſe étourdie,
Dans un conte annobli du nom de comédie,
Paſſe, en dépit du goût, du touchant au bouffon,
Et marie une farce avec un long ſermon :
Tantôt c’eſt un grimaud, dont le démon terrible,
Pleure éternellement dans un drame riſible :
Que dis-je ? Oſer blâmer un drame, un drame enfin !
La comédie eſt belle & le drame eſt divin :
Pour moi j’y goûte fort, car j’aime la nature,
Ces héros villageois, beaux eſprits ſous la bure