Page:Gilbert - Le Dix-huitième Siècle, 1776.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PRÉFACE.


Les Gens du monde semblent avoir fait une ligue avec nos prétendus Philosophes, pour décrier la satire. De nos jours on croit fans peine à la vertu d’un Auteur licencieux qui se déclare Athée ; mais on doute, au moins en apparence, qu’un Satirique puisse être honnête homme ; comme si la vie feule de Boileau ne suffisoit pas, pour démentir cette opinion affectée, moins outrageuse encore à sa mémoire, qu’à celle de Louis le grand, des Lamoignon, des Colbert, des Condé & de tant d’autres Personnages illustres qui l’honorèrent d’une estime particulière & de leurs bienfaits. Ces diffamateurs ont-ils oublié que ce Critique inexorable donna autrefois l’exemple d’un trait de générosité qu’ils ont loué avec enthousiasme dans une Souveraine.

Pour nous qui faisons gloire de cultiver après lui le seul genre de Poésie, dont l’utilité seroit vainement désavouée, malgré le respect que nous devons aux oracles des Novateurs du temps, appuyé de l’autorité d’un Écrivain si-judicieux, nous soutenons au contraire que quiconque blâme la satire, est un homme dupe des opinions d’autrui, un sot à prétentions ou une ame corrompue. Les citoyens vertueux, les esprits sains & vraiment éclairés, ne la redoutant pas, l’ont toujours approuvée. Leurs entretiens font la censure continuelle des mœurs dépravées & du mauvais goût : le Satirique n’est en un mot qus l’interprête de leurs plaintes ou de leurs jugemens.

Ce font ces hommes dont le suffrage seul peut nous flatter, qui détendirent le tableau du dix-huitième Siècle du mépris dans lequel la cabale philosophique prétendoit