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AVÈNEMENT DU ROMAN FEUILLETON


CHAPITRE VI.

AVÈNEMENT DU ROMAN-FEUILLETON.


Pendant que les chefs-d’œuvre de Balzac et de G. Sand donnaient l’élan définitif aux deux courants romanesques, une méthode nouvelle naissait en France. C’était une révolution opérée moins dans l’esprit — bien qu’il en dût souffrir — que dans la forme du roman. Il est assez facile d’établir l’origine du roman-feuilleton : il s’agissait tout simplement de plaire au public, en excitant journellement sa curiosité.

Ce fut une spéculation industrielle.

Le maître du réalisme et G. Sand, par leur fécondité surprenante et par la prédominance illimitée qu’ils accordaient à l’imagination, doivent être tenus comme responsables, dans une certaine mesure, de l’engouement général des Français pour le roman. Les lecteurs réclamaient une pâture sans cesse renouvelée. Les inventions souvent bizarres de Balzac les avaient, de plus, rendus peu sévères pour les intrigues recherchées et les complications affolées. Elles leur en avaient communiqué le goût.

Pour satisfaire ces appétits, allumés dans toutes les classes, on avait commencé déjà à publier, dans les Revues, des romans découpés en tranches et, à chaque livraison, interrompus au bon endroit. Un passage palpitant hypnotisait les naïfs devant ces mots alléchants : la suite au prochain No. Dès l’apparition de ce fascicule annoncé, le lecteur enfiévré, qui s’était durant quinze jours livré aux