Page:Gilkin - La Nuit, 1897.djvu/196

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Sa main blanche parfois sur mon poignet se pose.
Par delà la terrasse et les jardins en fleurs,
Dans les parfums mourants flotte un horizon rose,
Qui reflète en nos yeux de sanglantes couleurs.

— Seigneur, sans voir mes yeux qui cherchent tes prunelles
Tu regardes au loin la terre et les longs flots
Des générations aux vagues éternelles,
Et ta religion faite de leurs sanglots.

Offrant au monde en pleurs ton mépris secourable,
Tu fis de la douleur un culte ; désormais
La terre porte au flanc une plaie incurable
Et les hommes ne se consoleront jamais.

Ils ne connaîtront plus la force ni la vie ;
Ils n’adoreront plus la joie et la beauté ;
Et le sourire ami de la terre ravie
Ne les baignera plus de sa sérénité.

C’en est fait pour toujours des splendides statues
Montrant aux cœurs heureux l’homme divinisé ;
Au bois sacré les voix des nymphes se sont tues
Et nul dieu ne naît plus du printemps épuisé.