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Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/30

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Est un vivant outrage au vieil honneur qu’il foule,
La ville où la façade à l’atroce ornement
Cache mal la ruelle où traîne l’excrément ;
Celle où ce qui digère écrase ce qui pense ;
Où se meurent les arts, où languit la science ;
Où des empoisonneurs l’effréné péculat
Des petits innocents trame l’assassinat ;
Où ton nom dans les cœurs s’oublie, ô Maisonneuve !
Celle où l’on voit de loin, sur les bords du grand fleuve.
Les temples du dollar affliger le ciel bleu,
En s’élevant plus haut que les temples de Dieu !

Les dernières clartés du jour allaient s’éteindre.
Depuis longtemps je me croyais tout près d’atteindre
La rive montagneuse et farouche du Nord,
D’où le noir Saguenay, le fleuve de la Mort,
Surgi de sa crevasse ouverte au flanc du monde,
Se joint au Saint-Laurent dont il refoule l’onde.
La rive paraissait grandir avec la nuit,
Et l’ombre s’aggravait d’un lamentable bruit :
Plaintes des eaux, soupirs, rumeurs sourdes et vagues.
La houle harmonieuse avait fait place aux vagues ;
Le ciel s’était voilé d’épais nuages gris,
Et les oiseaux de mer regagnaient leurs abris.
Le « Goéland » rapide avançait vers la côte
Dont la masse effrayante et de plus en plus haute
Se dressait. L’aviron voltigeait à mon bras,
Et je luttais toujours, mais je n’arrivais pas.

Le violet des monts se changeait en brun sombre.
Vainement j’avais cru traverser avant l’ombre,
Car de ces hauts sommets le décevant rempart
Égare le calcul et trompe le regard.