Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/95

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Je me hâte ; l’écho sonore répercute
Tantôt le craquement des branches sous mes pas,
Tantôt le bruit plus sourd d’une pierre ébranlée.
Il me semble parfois que je n’atteindrai pas
La cime toute bleue et de pins dentelée,
Qui toujours se dérobe et parait au regard
Toujours de plus en plus hautaine et reculée.
L’heure rapide passe ; et je songe : « Il est tard !
Je suis bien las !... Pourtant, ô cime inaccessible,
Ce qui dépend de nous en ce monde, est possible !...
Tu fuis ! En m’épuisant, vers toi je suis monté ;
Ma force m’abandonne, et tu fuis à mesure ;
Mais, ô cime orgueilleuse, il est dans ma nature
Un pouvoir en réserve, et c’est la volonté ! »

La dure ascension de nouveau recommence :
Je grimpe de biais le long du flanc immense,
Harassé, haletant, et m’aidant de mes bras
Quand d’un plan vertical j’entreprends l’escalade,
Ou que des arbres morts l’inextricable amas
Se dresse devant moi comme une barricade.

Partout, le blanc bouleau, le tremble, le sapin,
Et l’érable sacré, le hêtre, l’épinette,
Et le vieux chêne aussi mêlent leur silhouette
Que, çà et là, domine un gigantesque pin...
Le soleil flamboyant vers l’horizon s’incline ;
Voici bientôt venir la minute divine
Où tout va se parer de son poudroiement d’or.

Tout se tait dans les cieux. J’approche de la cime,
Et mes pas, les premiers, foulent ce lieu sublime !
Deux mamelons boisés m’en séparent encor :