Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/103

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minute souveraine. L’illustration de l’art ne manqua pas à ce triomphe. Quiconque a été à Rome a une idée du goût délicat des Cosmates. Des fouilles exécutées à Sainte-Marie du Transtévère par le cardinal de ce titre, Mgr Rampolla, ont mis au jour un cycle de fresques magnifiques, qui ne nous étaient connues que par une description enthousiaste de Ghiberti[1]. Ce grand artiste, dans son journal, nous parlait d’un maître sans égal, appelé Pietro Cavallini, parce qu’il n’avait pas son pareil pour faire les chevaux. Rien ne nous permet plus d’apprécier son talent dans cette spécialité. Mais les restes de son Jugement dernier sont une des plus nobles choses de l’art italien ; le Christ respire une majesté vraiment olympienne. Autour de ce maître superbe s’en groupent plusieurs autres : Torriti, Rusuti, Cimabue qui était à Rome en 1272. Il faut y ajouter Arnolfo di Cambio et Giotto. Toutes les œuvres de celui-ci reflètent la Renaissance romaine. Les souvenirs, les vues de Rome abondent dans ses fresques. Nulle part ailleurs qu’à Rome son génie n’a pu se former.

    Florentia, est le vrai auteur de ces peintures. Ce n’est sans doute qu’une présomption ; mais l’histoire se contente souvent de conjectures moins probables.

    Quant à la question de la Madone de Guido de Sienne, sur laquelle se fondent les revendications siennoises à la priorité, en vérité elle n’importe guère. Que le tableau soit de 1221, ou de 1251, ou même de 1281, ces trois dates ont leurs partisans, et je pense, pour ma part, que la première est la bonne : mais cela ne change rien à l’histoire, et rien n’est plus indifférent que ces affaires de clocher. D’abord, l’œuvre, elle aussi, a été restaurée ; ensuite, autant qu’on puisse juger, ce n’est qu’un tableau byzantin, plus délicat que d’autres, mais sans aucun principe d’originalité. Et même Duccio n’est que le dernier des « Grecs » ! Que l’on compare son grand retable de 1311 avec les fresques de l’Arena, qui sont de 1306, on comprendra la nouveauté de l’œuvre de Giotto, et l’on verra bien qu’en dépit de son art exquis, ce n’est pas Sienne qui pouvait donner le signal de la Renaissance.

  1. Commentaires, éd. Frey, p. 38. Ces fresques ont été publiées et étudiées par Hermanin, Gli affreschi di Pietro Cavallini a Santa Maria in Trastevere, dans Le gallerie nazionali italiane, vol. V, Rome, 1902. Cf. encore Venturi, Storia dell’Arte italiana, vol. V, p. 147, Milan, 1907.